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Mon père et moi
Mon père et moi


Elle l'avait suivi jusque dans les toilettes pour hommes. Elle s'en fichait, ne s'intéressait qu'à une chose. Cette chose, lui dit-elle d'une voix qui résonnait sur le carrelage fleuri, ne peut pas être votre père. Il était gêné, se lava les mains devant un miroir agressif et sortit des toilettes. Il n'allait pas lui expliquer. Il avait fait dix mille kilomètres pour arriver ici, à la conférence, et présenter ses travaux. Et il avait fallu qu'elle lève la main pour poser des questions hors du champ strictement technique où son jeune âge aurait dû la contraindre. Flingué en public, il avait été, et par une étudiante. Il survivrait. Il finit par la semer en passant par la cafétéria, envahie à l'heure du déjeuner par des étudiants affamés et des congressistes en rupture de caféine. Il s'enfuit par les cuisines sans provoquer d'étonnement chez les cuisiniers placides, sortit sur le parking et courut se réfugier dans sa chambre d'hôtel. Là, un autre miroir l'attendait, fixé à la penderie, plus cruel que le précédent. Il se regarda. Deux bras, deux jambes, une tête, des organes répartis symétriquement, d'autres non. Normal. Cela n'avait rien à voir avec le physique de son père. Elle avait raison, tellement raison. Il n'apportait que des preuves matérielles, reproductibles, des preuves prouvées, crédibles par tous sauf par lui-même et par l'occasionnelle étudiante, sincère ou en mal de notoriété. Vieille chose à tentacules, tu ne peux pas être mon père, dit-il à haute voix, à l'adresse de la photographie paternelle, granuleuse, agrandie à l'extrême, qu'il placardait toujours en face de son lit, dans toutes les chambres d'hôtel où les conférences le