A l'âge de douze ans, mon corps se mit à changer. Cela peut sembler étrange rétrospectivement, mais j'en fut heureux. Comme tant d'autres, j'étais jaloux des plus mûrs d'entre nous, qui portaient en sautoir leur pilosité naissante. Puis ce fut mon tour, mais la barbe me vint drue et rêche, et bientôt elle couvrit tout mon visage, mes bras, mes jambes, mes parties intimes, jusqu'à ce qu'il ne me restât plus un centime de peau nue. En un mois, j'étais devenu Cactusman pour tout le monde, une vivante pelote d'épines. Plus personne, sinon quelques docteurs, n'oserait me toucher avant bien des années (je parvins finalement à mener une vie sentimentale presque décente : ceci est une autre histoire). On peut imaginer ce que cela signifiait pour un adolescent déjà mal dans sa peau. Mais la situation avait ses avantages, dont je sus tirer rapidement profit.

J'étais un monstre, en effet, mais pas une horreur. J'avais beau être défiguré de la façon la plus boschienne qui soit, le résultat était impressionnant. Je n'avais pas à me cacher. Mes épines étaient d'une belle couleur, saine et naturelle, allant du bronze clair au vert profond. Elles brillaient au soleil. Rien à voir avec la peau pâle et les boutons de naguère. Fini l'acné qui faisait ressembler certains de mes potes à des pizzas. J'avais de la gueule sur les photos. Quoi d'autre ? On me respectait. Il aurait fallu être idiot pour narguer un adolescent susceptible de vous empaler par accident. Les gens étaient adorables avec moi. Les brutes m'évitaient. J'étais Edward aux Mains d'Argent en plus sociable, Frankenstein avec des amis. Le plus beau jour de ma vie fut celui