Notre cathédrale est dans un triste état, comme nous tous. Mon royaume pour une souris morte, dirait Richard. Nous vivons dans des ruines, mais nous avons le plaisir de savoir que ce sont des ruines libres et indépendantes. Et nôtres. 3478 âmes se serrent dans un bâtiment créé pour la gloire de Dieu, et nous ne pensons qu'à la nourriture et au sexe. Où sont l'esprit de combat, le nationalisme enragé ? Nous somme les rois des gravats, les princes des décombres, nous présidons des tas d'immondices sanctifiés, illuminés par la clarté divine qui descend du plafond troué. Une belle victoire. Nous nous réveillons le matin dans le froid et l'humidité, et aussitôt nous nous précipitons aux fenêtres, un coup d'?il par dessus la frontière, en priant pour qu'elle soit encore là. Nous ne voyons que les douaniers, endormis dans leur guérites inutiles.

Notre seule joie est de les réveiller, de balancer sous leur nez coulants nos papiers flambants neufs, d'agiter notre drapeau antique et de franchir la ligne pointillée en tant que citoyens, libres et indépendants. Ils acquiescent mollement et nous laissent passer. Nous avons connu peu d'incidents. Voilà quelques jours, notre milice a abattu un chien étranger, venu pisser sur le pilier nord. Le propriétaire est venu au portail (notre milice a failli l'abattre lui aussi) et nous lui avons rendu son animal dans un sac. Pas d'excuses, car le Traité nous autorise clairement à tirer sur quiconque vient nous voir sans visa, quels que soient sa race, son sexe ou son espèce. Cela ne règle pas, cependant, le problème de la nourriture et du sexe, qui sont de plus en plus