Sous sa casquette à large bords, le gardien du zoo nous gratifia d'un regard louche, qui fit rire Minnie, jusqu'à ce qu'elle eût réalisé qu'il était peut-être né comme ça. L'homme ne sembla pas s'offusquer, et déchira nos tickets comme si rien de rien n'était. Il nous indiqua gentiment l'escalier qui menait au Ciel. Pas le vrai, bien sûr, nous gardions cela pour plus tard, mais un fac-similé de Ciel, un Ciel de carton-pâte qui trompait les plus petits en amusant les plus grands. Ils avaient peint la cage d'escalier en bleu azur, avec des nuages flottant ça et là. De petits personnages ailés y étaient assis, ou voletaient tout autour. Ils étaient mal dessinés. On pouvaient les confondre avec des insectes écrasés. Le manque d'argent avait ajouté une couche de crasse sur l'ensemble. Tout cela sentait le vieux, avec quelque trace du charme des vieilleries. Les enfants semblaient apprécier les peintures et grimpaient les marches joyeusement, nous montrant du doigt les anges écrabouillés.
L'escalier était un avant-goût suranné des merveilles à venir. Nous arrivâmes au sommet pour le coucher de soleil. La vue était superbe. Des familles entières, de retour du Grand Chemin, s'attardaient dans les derniers rayons. Minnie était surexcitée. Elle sautait sur place, faisant trembler la plate-forme, sans comprendre pourquoi nous restions là à contempler le paysage. Elle fut la première à apercevoir le cheval qui venait à sa rencontre, traînant la patte sur un vide coloré en rose par le soleil couchant. L'animal était vieux, mangé aux mites, et ses yeux reflétaient la douce mélancolie des déchus. Pour Minnie, ce n'était là qu'un gentil cheval dont elle pouvait caresser la crinière. Pour nous, les habitants de ce Paradis de seconde zone avaient