Regardez le mode d'emploi : je suis une mine intelligente. Euphémisme : je suis un génie, je suis l'Einstein des mines anti-personnel. Je peux vous expliquer la théorie des cordes, ou discuter de l'emploi de la lettre K dans Finnegans' Wake. Et Céline Dion n'a aucun secret pour moi. Si seulement on voulait bien me parler, je pourrais même tomber amoureux. Mais voilà, personne ne parle à un caillou, à moitié enterré dans le sol qui plus est. Certains de mes amis ont eu plus de chances. J'aimerais tant leur ressembler. Jouets, bonbons, et vibromasseurs.
Et puisque je ne peux être un amant, pour divertir cette époque courtoise, je ne serais donc que méchant, et je haïrai les plaisirs de ce temps. Oh, c'est du Shakespeare, ça. Non, franchement, méfiez-vous. Je suis létal. Ma cervelle de caillou analyse ton ADN à partir des effluves de ta sueur acide, petit soldat de bois, pourvu que le vent souffle dans la bonne direction. ADN d'ami, ADN d'ennemi, c'est la jolie charade que j'ai composée pour toi, et qui te laisseras passer, ou qui te mettras dans une chaise roulante jusqu'à la fin de tes jours. Longtemps, longtemps après que leurs mollets aient disparus, les soldats ne courent plus dans les rues, n'est-ce pas Charles Trenet ? Il me revient à ma mémoire... des tas de conneries en fait. Mais qui m'a mis des chansons populaires dans la tête ? Elles s'en vont et elles reviennent. Mais pourquoi ? Pour me faire passer le temps, pendant que je t'attends, tout le temps. Ou parce que ne suis qu'un infime détail dans un dessein plus large ? Et si nous étions des millions, des plages entières de galets surdoués, discutant des pour et des contre de l'univers avant de tout faire sauter ?
Mais je divague, alors que je devrais faire attention aux vibrations traîtresses et subtiles de la couche supérieure du sol. Ils sont dix, le tiers d'un peloton, une équipe de foot sans son gardien, une portée de cochons sauvages, qui marchent vers moi. Et moi je multitâche. Allez, sans les bras, allez, sans les jambes, je renifle leur code génétique comme le pervers les petites culottes, et j'estime la quantité de destruction nécessaire. Dans quelques instant, mon petit corps en plastique connaîtra son apothéose, sa lutte finale, et le genre humain sera