Il n'y en a plus qu'une, dit le Roi au dernier Chevalier de son royaume. J'aimerais que vous me la rameniez à temps pour l'anniversaire de la Reine.

Le Chevalier regardait la fourrure mitée qui recouvrait le trône, et la tête de la même couleur que l'on avait plantée au sommet. Un des yeux en verre lorgnait vers l'autre. Un lion empaillé et bigleux, ça ne faisait pas sérieux. Sérieux, pourtant, ce lion-là l'avait été, le dernier lion du royaume. Puis le Chevalier était venu, l'avait tué et avait ramené sa peau au Roi, à temps pour l'anniversaire de la Reine. Depuis, le Chevalier était manchot, et le Roi avait une nouvelle housse pour son trône.

C'est un ordre, dit le Roi, qui avait bien perçu chez le Chevalier une certaine distraction. Le Roi était un bon analyste des ondes cérébrales de ses sujets. Comme les meilleurs cerveaux avaient fui, le travail était devenu plus facile, et le Roi plus fier de ses capacités de psychologue.

Allez, ce n'est rien qu'une fleur, une petite fleur. Pas grand'chose. Elle ne va pas vous manger. Le Roi faisait son possible pour paraître joyeux. Ça manque d'entrain par ici, pensa-t-il. Mais tous les clowns étaient partis, emmenant avec eux les coups de pied au derrière.

Non, Sire, elle ne va pas me manger, répéta le Chevalier, avec la conviction d'une nouille devant l'eau bouillante.

Quelle lavette, pensa le Roi. Venez par là, dit-il à haute voix.

Le Chevalier monta avec cérémonie les trois marches menant au trône. Avec méfiance, aussi, car une des marches était bancale, et le dernier menuisier était parti main dans la main avec le dernier fabricant de clous.

C'est la Reine, dit le Roi d'un air de conspirateur, comme s'il y avait des gens dans Salle du Trône, comme si ses problèmes avaient pu encore intéresser qui que ce soit.

La Reine, soupira le Roi, il faut vraiment que je lui fasse un cadeau. Vraiment. Elle ne veux plus... Nous ne faisons plus... Enfin, vous voyez ce que je veux dire.

Je vois, dit le Chevalier, qui, ayant dragué sans succès les dernières haridelles du royaume, des êtres manquant de dents, de fesses et de seins, partait tous les week-ends chercher du réconfort de l'autre côté de la frontière. Il avait même pensé à émigrer, sauf que son diplôme de Chevalier valait peau de balle hors du royaume. Si c'était pour nettoyer les écuries, merci bien.

Et cette fleur, où est-elle ? demanda le Chevalier.

Ah, dit le Roi, le Vieux Livre dit que d'abord on doit errer deux mois dans le désert. Puis il faut apprendre le langage des vautours pour pouvoir demander son chemin. On peut y perdre un ?il, enfin c'est que dit le Livre, hein, faut pas tout prendre au pied de la lettre. Mais attention, c'est une petite fleur, ne comptez pas tomber dessus par hasard.

Le Chevalier rumina là-dessus quelques instants. Sire, dit-il finalement, vous me connaissez, je ne veux pas vous manquer de respect, mais