Elle était tentée.

D'un côté, ceci n'appartenait qu'à elle. C'était son jardin intérieur, secret, caché, privé. Les gens louaient son calme, sa capacité à apaiser les tourments, à transformer colère en mélancolie. Avec elle, les tragédies du coeur se muaient en comédies douces-amères. Elle fermait les yeux, elle fermait les vôtres, elle ouvrait son esprit et vous la suiviez. Elle prenait votre main et vous conduisait vers un bosquet obscur aux frondaisons pesantes, un jardin de fable, construit autour d'un puits. Les herbes sauvages soignaient votre peine, et vous pouviez verser toute l'eau de vos drames dans la noirceur tranquille du puits. Vous ressortiez alors, votre main dans la sienne, prêt à affronter la réalité tranchante du monde. Vous saviez alors que votre peine était partie, remplacée par quelque chose qui n'était pas le bonheur, mais qui était chaud et plaisant néanmoins, et qui durerait un peu.

Tel était son don, profond et personnel.

Mais elle n'en ignorait pas la valeur monétaire. Il y aurait tant de façon d'en tirer profit, lui disaient-ils. Elle pouvait faire payer l'entrée du jardin, coller des réclames sur la margelle du puits, promouvoir des produits, écrire des guides de développement personnel etc. Ils lui montrèrent les études de marché, avec les jolis graphes colorés qui lui disaient, de façon péremptoire, qu'elle n'aurait plus à s'inquiéter pour sa retraite, pour les soins à domicile de son père, et pour sa plomberie. Elle était