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L'ile de Julia
L'ile de Julia


Elle fut, à l'époque de la Prohibition, la marraine incontestée d'un empire maléfique de mercerie clandestine. Elle se maintint au sommet durant toute la décennie 80. Toute l'Ile lui appartenait. Elle était la Dame des Epingles, la Reine des Braguettes, la Généralissime d'une armée déguenillée de dérouleurs de rubans et de dealers de boutons. Sa minuscule boutique était le point de convergence d'un flot ininterrompu d'argent sale. A ses rares visiteurs, elle aimait se décrire comme un service public, une vraie bénédiction pour la société. En réalité, seul l'argent l'intéressait. Mais elle était pleinement consciente qu'un peu de conscience sociale ne lui nuirait pas si les choses tournaient mal. Ou si l'Interdit était levé. Elle avait finit par croire à moitié à son propre baratin. Ses efforts incessants rendaient aux gens, une fois rentrés chez eux, la dignité qu'on leur refusait dans la rue ou au travail. Grâce à elle, on pouvait mettre chez soi des vêtements décents, correctement cousus, au lieu des serpillières mal ajustées et sans boutons que l'on devait porter en public. La Brigade des Fils arrivait rarement à arrêter les délinquants à la maison. Au premier coup donné à la porte, les vêtements étaient déchirés, et tout le matériel de couture finissait aux toilettes. La médaille avait un revers : elle ne faisait pas dans la dentelle. Il lui fallait tuer pour garder sa place. La petite concurrence finissait cousue vive dans des linceuls, direction l'espace profond. Ses assassins avaient du travailler bruyamment, à l'aiguille à tricoter, la famille rebelle d'un passeur tué par l'éclatement impromptu, dans son estomac, d'un préservatif rempli de boutons. Cependant, le plus grand danger venait de ces imbéciles qui, au nom de la morale sociale, croyaient l'aider dans sa prétendue croisade contre l'Interdit : les Abolitionnistes. L'un après l'autre, ils trouvaient la mort dans des conditions heureusement peu suspectes. Mais, alors même qu'elle répandait dans toute la société le poison du vêtement bien taillé, les Abolitionnistes se multipliaient, y compris dans