Je rêve de l'embrasser. Je la poursuis depuis des années, et toujours elle m'a joyeusement échappé, dans une bouffée de parfum, un tourbillon de robe. Ne vous méprenez pas. Je ne suis pas plus chasseur qu'elle n'est gibier. Ce n'est qu'une pièce idiote écrite par un ivrogne. La dernière fois, j'y étais presque. Hypnotisé par les coins retroussés de son sourire, j'approchais, toujours plus proche, encore plus près, jusqu'à ce qu'elle me dise, Arrête, ou je me transforme en papillons. Comment aurais-je pu m'arrêter ? Elle était tout pour moi, et elle l'est encore. Elle fit le geste de me serrer dans ses bras, et, alors que je croyais la toucher, dans une ultime, impossible fraction de seconde, je vis ces insaisissables étincelles briller dans ses yeux, sur ses lèvres, dans ses cheveux, et soudain elle se trouvait tout autour de moi, ses milliers d'ailes soyeuses me caressaient doucement, comme si j'étais fait de porcelaine, laissant sur ma peau une poussière colorée (qui me fit éternuer, mais ceci est une autre histoire). Elle dansa un long moment, extatique d'apesanteur retrouvée. Puis vint une brise légère, qui la dispersa. Elle était partie.

Elle se recomposerait plus tard, retrouverait son adorable, inaltérable apparence et partirait à ma recherche, pour une autre