Il a beau être vif pour son âge, rentrer chez lui est devenu un vrai casse-tête. Car, voyez-vous, la tempête arrive. Et le grand troupeau l'a appris, par on ne sait quel miracle. Un par un, puis quartier par quartier, les corps énormes reviennent lourdement à la vie, faisant trembler le pays de leurs frissons puissants, et, pendant quelques semaines, les voilà pris de bougeotte. Ne tenant plus en place, ils vont et viennent comme si cela pouvait changer quoique ce soit à leur destin. Alors notre brillant petit gars rentre de l'école, la tête farcie de maths et d'histoire-géo, et il s'aperçoit que sa propre géographie a changé pendant la journée, et que sa couarde de maison a décidé de bouger, suffisamment loin pour qu'il doive demander son chemin. Il pédale sur plusieurs centaines de mètres, et se découvre de nouveaux voisins : le voilà à côté des Myrtille, ou au dessus de Gégé Pas Coton. En fait, ce n'est pas si affreux. D'abord, il fait encore jour quand il rentre et il n'y a pas de quoi avoir peur - ce qui ne saurait durer, car les jours raccourcissent. Et puis, changer de voisins tous les jours est plutôt rigolo. Il n'a jamais tant vu de nouvelles têtes. Ses parents n'ont même pas l'air de s'inquiéter, ni à son sujet, ni au sujet de la maison, malgré la tempête qui menace. Seul son grand-père a l'air malheureux. La domestication, dit-il, c'est plus ce que c'était. Ces maisons modernes, faudrait les remettre à leur place. Un coup de fouet par-ci par-là, c'est ça qui leur manque. Bien sûr, depuis l'Arrêté Domestique de 1789, il est hors de question de fouetter, et de punir, quoique ce soit. Le petit garçon vient d'apprendre qu'autrefois, les gens brûlaient les maisons, juste pour l'exemple. Cela lui paraît lointain, et barbare. Aujourd'hui, on sait bien qu'une maison n'est rien d'autre qu'un tas de bois mort et de briques inanimées retenus par du ciment, et qu'il ne faut pas en attendre quelque espèce de compréhension et d'intelligence. Quand une maison se venge, dit-on, elle s'écroule sur vous, alors autant ne pas la blesser. Mais est-ce si simple, se demande le petit garçon sur le