Parce qu'elle était trop seule, ses amis lui offrirent de l'amour sous sa forme la plus pure. Ils ne l'emballèrent même pas. Elle trouva donc l'amour un matin, posé sur son paillasson. Elle sut immédiatement ce dont il s'agissait, bien qu'elle n'en eut jamais vu, ni encore moins goûté. Ce fut de l'amour au premier regard, en quelque sorte. Il se présentait sous la forme d'un bloc pareil à du granite, mais en beaucoup plus dur, et d'un grain plus fin. Ce pavé aurait été une arme redoutable dans une émeute. Il semblait fait pour briser des têtes et des cages thoraciques. Il était rose pâle ; sa forme était cubique, aux angles arrondis. Il n'avait rien de particulièrement beau ou impressionnant. Elle se pencha pour le ramasser, et, pliant sous son poids, elle le ramena dans sa chambre. Faute de note d'accompagnement, elle ne pouvait remercier personne, même si elle se doutait bien de l'origine du cadeau. Elle n'avait pas tant d'amis que cela. D'ailleurs, une partie d'entre eux prenaient la poussière sur une étagère du salon, une douzaine de petits globes brunâtres, faits d'une argile mal cuite. Mais l'amour, c'était différent. Un matériau beaucoup plus lourd, beaucoup plus dense. Elle n'avait pas de mal à imaginer le type de relation qu'elle pourrait entretenir avec lui.
Elle n'avait pas de mal non plus à discerner dans ce bloc opaque quelques souffrances futures. Néanmoins, elle laissa glisser ses doigts sur