Le Général clignait des yeux, cherchant à distinguer à travers le hublot les symptômes de la guerre, quelques milliers de pieds plus bas. Il fut soulagé de ne rien voir, car le meurtre de masse était un sport qu'il pratiquait plutôt de loin, dans son bureau, ou, joie du télétravail, depuis son lit : le génocide au petit déjeuner dans l'odeur de victoire du café matinal. La guerre de près, c'était, disait-on, dangereux.

Mais on avait exigé un Général sur le champ de bataille, et le voilà donc, sautant de planète en planète, visitant les armées des Humains Réunis, félicitant les unes et décorant les autres, pour leur patriotique bottage de derrières indigènes rétifs à la bonté naturelle des Terriens.

Le Commandant qui l'accueillit était heu-reux. Oui, les troupes faisaient un travail fa-bu-leux. Oui, l'ennemi était en charpie. Aucune victime de chez nous, à part les problèmes d'alcoolisme. Le Général serait-il intéressé par nettoyer lui-même quelques postes ennemis ? Le Commandant le poussa dans un véhicule, où attendaient deux filles aux habits fort civils, et les voilà partis pour une expédition sur terrain plat, plat, plat gris et ennuyeux, au cours de laquelle le Général s'endormit.

Quand il se réveilla, la voiture était arrêtée et les filles changeaient leur escarpins pour des godillots. A vous l'honneur, mon Général, lui dit le Commandant en lui montrant du doigt un gros galet solitaire.

Le Général regarda le galet. Il devait faire quelque chose, sûrement. Vous êtes nouveau ici, dit une des filles, je vous montre. Elle frappa du talon à côté du galet, dans un geste d'écrasement peu élégant terminé par des mouvements circulaires encore moins délicats. Surtout, n'oubliez pas d'essuyer vos bottes avant de revenir, car le jus ennemi sous les semelles, c'est eeuuurk, ajouta-t-elle. Et là c'était juste quelque villages, mais tout à l'heure, vous pourrez