Ce petit homme portait le ciel sur ses épaules, comme son arrière-arrière-arrière-arrière grand-père, Atlas. Cela courait dans la famille, sautant des générations au hasard. Il s'appelait Atlas lui aussi, conformément à la tradition, mais il préférait Roger pour des raisons évidentes. Quand on le voyait entrer dans le bar pour son café matinal, Roger n'avait rien d'impressionnant. Darwin avait fait son ?uvre et la génétique avait parlé : notre champion de portage de ciel avait les épaules larges, des jambes épaisses, et il marchait courbé en deux. Il aurait pu travailler sur les docks voisins, ou comme déménageur. Mais il était impossible de ne pas remarquer que sa prestance naturelle n'était pas celle d'un employé subalterne. Non qu'il agît de façon hautaine ou supérieure. Après tout, il était de notoriété publique qu'Atlas Premier avait été condamné pour une faute gravissime.

La grand-mère de Roger, Annabelle, elle-même un Atlas, avait demandé le pardon, en vain, comme tant d'autres Atlas avant elle. Roger affirmait que la malédiction familiale ne cesserait que le jour ou l'Atlas en cours, révolté par l'injustice de sa condition, balancerait la Voûte Céleste dans la décharge la plus proche. Alors, seulement, les Puissances comprendraient. Roger, lui, aimait son travail, la responsabilité afférente et le fait que nous le respections profondément pour ce qu'il accomplissait. Même quand vous buviez le café avec lui, vous pouviez être sûrs que les Cieux se trouvaient en sûreté, roulés bien serrés dans un coin, et qu'ils resteraient tranquilles pendant encore quelques minutes. Roger en profitait pour vous raconter la vérité sur l'extinction des dinosaures, et sur le rôle que