Oyonale - Créations 3D et expériences graphiques
Le livre des commencementsLes créatures de nulle partInformation sur l'imageL'épouvantail (détail) L'épouvantail (détail) L'épouvantail (détail) L'épouvantail (détail)

L'épouvantail
L'épouvantail


Il en avait marre des oiseaux. Non pas qu'ils le volaient, ou l'attaquaient, ou lui causaient du tort. Simplement, quoiqu'il fît, il y avait toujours un de ces emplumés pour le regarder. Ou, pour être précis, pour le dévisager. Ses seuls moments de répit étaient les nuits, qu'il passait dans une maison si étanche que même les rayons de lune ne pouvaient y entrer.

Les oiseaux mijotaient quelque chose. Quand il se réveillait, il les entendait piailler, croasser, crouler, margoter, balbotiner ou Dieu sait quoi encore, et le joyeux tapage était rendu encore plus insupportable par l'obscurité complète de sa chambre. Quand il ouvrait les volets, laissant pénétrer le soleil, le silence tombait d'un coup. Mais il y avait toujours une petite chose brune et ébouriffée, ou un gros compère aux plumes noires et brillantes, pour le narguer de ses yeux ronds depuis une branche voisine. Les claquements de mains, les insultes et les menaces physiques les laissaient indifférents, Pire, ils en attiraient d'autres, et bientôt plusieurs dizaines d'entre eux venaient prendre leur tour de garde. Après un temps, certains s'envolaient, pour aller faire ce que font les oiseaux morts d'ennui, pour être remplacés par d'autres, et ainsi de suite jusqu'à la tombée du soir.

Il avait essayé les trucs habituels. D'abord, la tête de chat avec des yeux en verre, de celles que l'on pend aux arbres. Les oiseaux parurent s'y intéresser un temps - cela faisait au moins diversion - puis ils retournèrent vite observer l'humain. Il testa un vrai chat, qui ne les poursuivait que lorsque son maître le regardait, et encore ne se donnait-il pas trop de peine. L'homme se persuada que le félin était de mèche avec les oiseaux, et renvoya l'animal au magasin, sans pouvoir se faire rembourser. Des visions multiples des " Oiseaux " d'Hitchcock ne lui fournirent pas de solutions. Il acheta un fusil et apprit plus ou moins à s'en servir. Tirer le volatile dans un quartier résidentiel se révéla peu pratique. Non seulement les satanées bestioles étaient intouchables pour une raison ou pour une autre, mais les plaintes commencèrent à affluer. Il fut invité à suivre une thérapie. Sur le rebord de fenêtre du psychiatre, deux moineaux, session après session semblaient écouter ses problèmes avec plus d'attention que le médecin. Il finit par jurer à qui voulait l'entendre qu'il ne voyait plus d'oiseaux, que tout était réglé, fini, et il prit la fuite.

Et les oiseaux le suivirent à la trace. Où qu'il allât, une nuée de volatiles se rassemblait au-dessus de lui, toujours plus brillante et colorée au fur et à mesure qu'il descendait vers le sud. Dans le désert, les vautours prirent le relais, deux fois plus nombreux que pour n'importe qui.

Il rentra à la maison. Il décida de s'empiffrer de poulet frit jusqu'à ce que mort s'ensuive. Sur le chemin, il renonça. L'idée de passer l'éternité sous une dalle de granite que les pigeons