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Glaçons
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Robert se réveilla avant l'aube, à son habitude. Bien que son corps fut encore fatigué des travaux de la veille, il pensa avec plaisir à cette nouvelle journée. Dans l'obscurité totale, il se redressa sur son lit, et sa tête heurta quelque chose de dur.

Des lumières jaillirent des murs, du plafond et du sol. Il se souvint, une fois de plus, qu'il n'irait jamais revoir sa Normandie.

Il aurait dû procéder aux vérifications, mais était urgent qu'il se sente humain. Ses jambes cotonneuses le soutinrent jusqu'à la salle à manger, dont il retrouva à tâtons la position exacte. Après quelques instants malhabiles passés à tripoter des boutons, il fit couler un liquide brun d'une buse d'acier. Puis il trouva dans un panier des petits sacs brillants. Les glissant dans une fente du mur, il se confectionna des tartines pour accompagner le café.

Une douche plus tard, le monde rentra dans l'ordre. Il se jura, comme il le faisait une fois par an depuis une décennie, de suivre les instructions à la lettre la prochaine fois. Tout était prévu pour assurer en douceur l'atterrissage mental du voyageur, il lui suffisait de relire le petit manuel posé en évidence sur sa table de chevet. Le manuel lui rappela aussi qu'on ne l'avait pas réveillé pour rien.

Les glacières étaient de l'autre côté du vaisseau. Comme il ne se sentait pas d'y marcher lui-même, il s'y laissa porter par un robot servile.

La chambre froide était immense. Les glacières étaient grandes comme des semi-remorques, les instrumentations de support vital occupant la majeure partie de l'espace. D'après son guide, il devait les inspecter une par une, de gauche à droite, rangée après rangée. Il avait peu à faire, en réalité. Si quelque chose avait failli, il était déjà trop tard. Le système se corrigeait lui-même, rapportant les problèmes les plus sérieux à ceux qui savaient les résoudre, à des années-lumière de là.

La première glacière s'illumina à son approche. Quelque part à l'intérieur, une machine ronronna de plaisir à l'idée de le revoir, et un petit panneau glissa sur la face avant, révélant une fenêtre. De l'autre côté de la vitre, sa belle-mère le regardait, un froncement de sourcils sur son visage soucieux. Non, non, ses yeux étaient bien fermés. Ce n'était qu'un jeu de lumières, la condensation brouillait ses traits. Il vit cependant les membres potelés bouger en rythme. Les machines nourrissaient, massaient, stimulaient les corps vivants dont elles avaient la charge. Il s'assura de la normalité des signes vitaux, et passa à la glacière suivante, qui contenait un cousin dont le nom lui disait plus rien.

La douzième glacière contenait sa femme, la dix-huitième son fils aîné, la vingt-et-unième sa petite fille. Il aurait voulu que sa famille fasse le voyage d'une façon plus unie. Tour à tour il les embrassa, de loin. Il fut pris par la mélancolie. Il voulait retourner dormir, mais une dernière tâche restait à accomplir.

Les glacières situées au fond de la chambre froide était plus spacieuses que les précédentes. Elles ne portaient pas de noms, seulement des numéros. Robert reconnut tout de suite le dessin sur la robe, les tâches noires et brunes qui ornaient le corps massif reposant derrière la vitre. Il regarda un moment la respiration lente soulever les flancs de l'animal, parcourus ça et là de tremblements puissants. Le chasse-mouches claqua d'un coup sec et poursuivit sa course dans l'espace profond pour écraser contre le carreau un insecte imaginaire.

Plus tard, Robert alla s'asseoir sur son lit, et se