Personne ne savait comment cela avait commencé. On racontait qu'au Portugal, un certain Alavaro Da Costa en avait retrouvé une collée au plafond, comme une araignée. Mais Alvaro Da Costa était introuvable. Les portugais avaient bon dos, car les foyers actuels de l'épidémie étaient répartis dans toute l'Europe, avec une prédilection pour les zones frontalières. La Suisse était particulièrement atteinte. Chaque automne, les formations meuglantes et tintinabulantes prenaient leur envol et passaient par dessus les Alpes. Elles se laissaient porter par les vents rhodaniens et atterrissaient en Camargue, pour le plus grand bonheur des taureaux, qui voyaient fondre sur eux cette gent féminine. Les bêtes se reposaient jusqu'au premier frimas, puis partaient, d'un coup de mamelle légère, vers l'Afrique.
La traversée de la Méditerrannée était meurtrière, le sens de la navigation manquant encore aux nouvelles venues. Si les compagnies d'aviation avaient appris à les éviter, suite à quelques désastres, les troupeaux, ignorant tout des règles de la politesse aérienne, se percutaient en vol, et les animaux hurlants, blessés, s'abattaient en pleine mer, et des cargos remplis d'humains terrifiés voyaient parfois fondre sur eux ces kamikazes d'un nouveau genre. Une fois près des côtes, les rescapées gagnaient de l'altitude et survolaient à grande vitesse la Lybie, le Tchad et le Soudan pour échapper à la vigilance des artilleurs locaux. Puis c'était la descente vers le Kenya et ses parcs naturels, où les attendaient les gnous, en compagnie desquels elles passeraient les mois d'hiver. Le rituel migratoire n'était pourtant pas complètement fixé. Il y avait toujours quelques aberrantes pour partir en sens inverse, et les Russes signalaient des cimetières gelés de