Nous, cela importe peu, dit François, mais nos enfants ? Jeanne regarda par la fenêtre les enfants qui jouaient à la balle avec deux des oncles. Toute sa vie, comme pour tout habitant de ce côté-ci de l'horizon, la rutilance du monde lui avait été douce, naturelle, bienfaisante. De l'autre côté, l'univers était smaragdin et ceux qui vivaient là le trouvaient tout aussi beau. Maintenant que l'on savait, qu'adviendrait-il de nos enfants ? La nouvelle était tombée voilà deux mois. Le rouge, le rouge de toutes leurs vies, le rouge dont personne n'avait jamais douté, le rouge était dangereux. On avait ricané, d'abord. Tout le monde vivait dans le rouge depuis des siècles. On avait toujours vécu dans le rouge, de ce côté de l'horizon ; on en était fier. Et puis les chiffres étaient tombés. L'incidence des cancers, des maladies cardio-vasculaires, des verrues plantaires. Plus forte de ce côté-ci, plus faible de l'autre. Le côté smaragdin avait immédiatement clos les frontières, ces zones marronnasses où personne n'allait de toute façon, du moins pas avant la révélation, avant que François, Jeanne et beaucoup d'autres ne songent à faire émigrer leurs