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Zigues-Zagues

Denis Kerdézé, Agent de Surface au Service de Propreté Urbaine de la ville de ***. Témoignage recueilli dans le cadre de la mission d'enquête parlementaire sur les perturbations non expliquées (MEPPNE), 17 juin 1991.

M. Kerdézé - Il faut que je vous explique comment ça se passe, non, vous devez pas être au courant. Bon, après chaque évenement, comme une course cycliste, un marathon ou un défilé, les spectateurs laissent sur place des tonnes et des tonnes d'emballages. Pour un million de personnes, on ramasse environ 500 tonnes, et bien sûr ça se ramasse pas tout seul. Il faut être OR-GA-NI-SE, car il y en a partout, jusque dans les arbres. Alors on fait comme ça, on est des malins à la SPU, on ?

M. le député Longcrin - Pourriez-vous en venir aux faits, M. Kerdézé?

M. Kerdézé - J'y viens, j'y viens, mais si j'explique pas tout vous comprendrez rien. Bon, on est 300 gars, et on se répartit en 100 équipes de 3, soit 80 équipes de rassembleurs avec les manuels et 20 équipes de terminateurs qui passent derrière avec les automatiques. Chaque équipe de rassembleurs a de 50 à 100 mètres à traiter en 30 minutes, ça vous donne une idée du rythme. On fait un tas tous les 15 mètres, un de chaque côté de la chaussée, c'est beau, c'est droit, c'est un vrai spectacle.

M. le député Longcrin - Aux faits, M. Kerdézé s'il vous plaît, la commission n'est pas intéressée par ces détails !

M. Kerdézé - Bon, vous l'aurez voulu, mais figurez-vous que le 17 mai 1990, juste après l'arrivée du Marathon de ***, on a tous mis nos tas en zig-zag au milieu de la chaussée au lieu de les rangers en ligne sur les côtés. Je n'ai pas besoin de vous décrire le souk que ça a engendré dans la ville.

M. le député Alizieff - C'était une manière de protester ? Vos salaires sont modestes à ce que je sais.

M. Kerdézé - Non, rien de ça. Sur l'instant, c'était une question de perfection, ou de justice. Les trottoirs sont séparés, vous comprenez, ils ne communiquent jamais, ils sont l'un en face de l'autre depuis toujours. Mettre les tas en zig-zag, ça permettait de, comment on dit, créer du lien social entre eux.

M. le député Alizieff - Mais c'est délirant ! Les trottoirs ne sont pas des êtres humains, même pas des êtres vivants ! Vous vous rendez compte que c'est délirant ?

M. Kerdézé - Maintenant, je dois reconnaître que ça peut paraître étrange, mais sur le moment non, ça nous paraissait normal, bien, quoi. Et puis l'idée était de . Il n'était pas à la SPU depuis longtemps mais il avait de bonnes idées. Avec lui, tout avait toujours un sens. Rassembler les ordures en zig-zag, ça avait du sens, c'était une organisation du désordre, comme dans un cristal.

M. le député Alizieff - Ce était pour vous une sorte de gourou, un gourou dans le Service de Propreté Urbaine ! Vous l'admiriez, vous et vos collègues, il avait du charisme ?

M. Kerdézé - Appelez ça comme vous voulez. Il n'est pas resté longtemps, à la suite du zig-zag, il a été transféré dans un autre service de la ville, les Parcs et Jardins, à l'élagage des arbres. J'ai entendu dire qu'il avait fait du bon travail.

Gilles Tran © 2001 www.oyonale.com