Manfred Calamassi, vente et acquisitions de biens immobiliers. CA annuel : 22 MF. Déposition recueillie le 17 mars 1997.
J'ai trente ans d'expérience dans ce métier, et un petit *** comme j'en avais jamais, mais jamais vu. Personne ne comprenait ce qu'il voulait. On lui a fait visiter peut-êtreune trentaine d'appartements et une quinzaine de maisons. Il faisait son petit tour en reniflant partout, il jetait un coup d'?il par la fenêtre, et il nous disait non, non, non. Il y avait toujours quelque chose qui clochait, pas assez ceci, pas assez cela. Un coup c'étaient des chiens qui ronflaient sous les fenêtres, une autre fois il y avait trop de soleil, une autrefois pas assez. Assez vite, on a vu qu'il inventait au fur et à mesure des motifs de refus. Si j'avais fait les visites moi-même, j'aurais mis les points sur les i, mais mes gens l'ont laissé faire, car je crois qu'ils l'aimaient bien. Et il avait les moyens. Quand je me suis aperçu du problème, je leur ai donné cinq jours pour conclure la vente. Le dernier jour, ils lui ont fait visiter le pire de ce qu'on avait, un taudis invendable avec une seule fenêtre, sans ascenseur, dans un quartier pourri. Il a vu toute la saleté, la peinture écaillée et ça lui a plu, il a dit oui tout de suite. Il a ajouté "C'est ici",comme une évidence, comme s'il venait de découvrir je ne sais quoi, un nouveau pôle Nord, l'Eldorado ou une plantation d'arbres à nouilles. A mon avis, il cherchait autre chose qu'un endroit où habiter. Ça vous regarde peut-être,mais pas moi.
Il est resté trois semaines, puis il m'a appelé, il voulait me revendre l'appart. Il se fichait d'y perdre de l'argent. Alors j'ai pris mon bénéfice et il est parti, en oubliant de me donner les clefs. On a dû forcer la serrure. C'était étrange, on aurait dit qu'il n'y avait jamais mis les pieds, rien n'avait changé, toujours la même crasse sur les murs. Si, une chose, il y avait maintenant une drôle d'odeur, une sorte d'odeur végétale, une odeur d'humus. Impossible de s'en débarrasser. On y a fait pour 100 KF de travaux sans résultats. Si ça vous intéresse, vous pouvez l'avoir pour pas cher.
? Plus jamais entendu parler, ou presque. Un de mes employés a reçu une carte postale de lui, sans timbre ni cachet ni adresse d'expéditeur. Dessus, une photographie de porte et le mot : "Cette fois-ci, c'est bien ici. Désolé pour la dernière fois." Si vous la voulez,on vous en fait une copie. Dites, l'appart, vous voulez le voir ?
Gilles Tran © 2001 www.oyonale.com